“Pourquoi devrait-on se priver alors que d’autres ont pu en profiter sans limite avant nous ?” Quand on parle d’écologie, s’il y a UN sujet qui cristallise les tensions à l’approche des vacances, c’est bien celui de l’avion.
Il y a quelques jours, le Réseau Action Climat a justement publié un rapport passionnant qui remet l’église au milieu du village : “Comment réduire le trafic aérien de manière juste et efficace ?”. Aux défenseurs de l’avion et du technosolutionnisme, l’association répond avec 55 pages de données chiffrées pour expliquer pourquoi, mais aussi comment réduire le trafic aérien en France. Surtout, elle évalue 9 mesures concrètes et débunke quelques idées reçues au passage ! On t’explique tout.
Mais au fait, qui sont ceux qui prennent l’avion, et pour aller où ? En dressant le portrait sociologique des passagers français, l’étude tord le cou aux clichés les plus répandus. De quoi nous donner quelques arguments pour les prochains débats enflammés entre amis.
On pourrait penser que l’essor des compagnies Low Cost a permis aux familles les moins aisées de voyager plus souvent. Pourtant, première surprise : les vols Low Cost n’ont pas permis à plus de personnes de prendre l’avion, mais à celles qui le prenaient déjà de le prendre encore plus souvent.
Dans l’étude, on apprend que les Français qui prennent l’avion sont principalement des personnes aisées, citadines (un habitant de région parisienne a 2 fois plus de chance qu’un habitant de zone rurale de prendre l’avion, toutes choses égales par ailleurs), souvent cadres supérieurs, pour des vols de loisir. Autrement dit, “l’avion est plutôt un transport de riches urbains qui partent en vacances”.
Source : © Réseau Action Climat - “Comment réduire le trafic aérien de manière juste et efficace ?”
Autre chiffre clé de l’étude : les vols de loisir sont responsables de 75 % des émissions de C02 des Français qui prennent l’avion !
Les vols professionnels quant à eux n’occupent que la deuxième place du podium (ex-aequo avec les vols familiaux), qui ne pèsent “que” pour 13 % des émissions de gaz à effet de serre.
On apprend aussi que les vols professionnels sont majoritairement empruntés par des personnes aisées, principalement des hommes quarantenaires, tandis que les vols familiaux sont le fait de ménages modestes pour aller voir leur famille à l’étranger.
À ce sujet, les chiffres sont implacables : l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre sont dues au long-courriers.
Ainsi, même si les vols lointains (c’est-à-dire hors France, Europe et Afrique du Nord) ne représentent que 20 % des vols, ils sont responsables de plus de 55 % de l’empreinte carbone du secteur aérien !
À l’inverse, si les vols vers la France métropolitaine (11 %), l’Europe (26 %) et le Maghreb (8 %) représentent les trois quart des vols, ils ne sont responsables que de moins de la moitié des émissions.
Conclusion de l’étude : si l’on veut sérieusement décarboner l’aérien, impossible de faire l’impasse sur les long-courriers…
Source : © Réseau Action Climat - “Comment réduire le trafic aérien de manière juste et efficace ?”
Les solutions technologiques (comme les biocarburants par exemple) sont bien sûr utiles et bienvenues, et elles redonnent de l’espoir. Mais selon l’association, elles ne suffiront pas. Et voici pourquoi.
L’avion électrique ou hybride. Il existe déjà pour les aéroclubs et est déployé par l’industrie aéronautique sur des liaisons très courtes (quelques centaines de kilomètres, le poids des batteries empêchant aujourd’hui de se projeter plus loin). Le problème : ces liaisons courtes ne représentent - comme on l’a vu - “qu’une part très modeste des émissions du secteur”. Et surtout, il existe déjà une alternative en train efficace sur de nombreux de ces trajets en France !
L’avion à hydrogène. Il pourrait à terme décarboner une partie des courts et moyens-courriers. Le problème : il repose aujourd’hui sur “de nombreux paris technologiques” qui rendent son avenir incertain. Et dans le scénario le plus optimiste, son déploiement ne serait pleinement effectif qu’après 2050 ! Aussi, cette technologie n’est pas envisagée pour les longs-courriers, responsables de 60 % de l’empreinte carbone du secteur aérien en France.
Les biocarburants. Ils peuvent être mélangés au kérosène donc ne nécessitent pas de nouveaux appareils, et peuvent être produits à des coûts raisonnables. Le problème : la biomasse est limitée et déjà utilisée ou convoitée par d’autres secteurs, “ce qui pose des enjeux de compétition d’usage (fertilisation des terres agricoles, production de chaleur à partir de la biomasse, etc.)” ! Aussi, avec l’objectif de 5 % de biocarburants d’ici 2030 en France, l’impact sur les émissions de CO2 du secteur aérien restera modeste dans les années à venir.
Les carburants de synthèse produits à partir d’électricité renouvelable, d’eau et de CO2. Ils peuvent certes apporter un bénéfice climatique (“à condition que le CO2 nécessaire soit biogénique ou capturé directement dans l’air”). Le problème : le rendement global est faible, donc les quantités d’électricité nécessaires sont immenses. “Selon le PDG de Lufthansa, il faudrait 50 % de la production d’électricité allemande pour convertir toute sa flotte aux carburants de synthèse. Sans baisse du trafic aérien, il semble irréaliste de développer des capacités de production suffisantes, d’autant que la filière industrielle n’existe pas encore”, souligne l’étude.
Dans ce contexte, si l’on veut respecter les accords de Paris, la baisse du trafic aérien semble inévitable…
Pour le Réseau Action Climat, la question n’est plus “faut-il réduire le trafic aérien” mais “comment le réduire” de manière efficace et socialement juste.
Et ce pour une raison simple : le secteur aérien représente 7 % des émissions de CO2 en France, et c’est le seul secteur qui n’a pas commencé à réduire ses émissions.
Pire encore, les émissions de CO2 du secteur aérien ne cessent d’augmenter depuis 30 ans (malgré la période Covid). Depuis la fin de la crise sanitaire, le trafic aérien a même “repris sa croissance effrénée : il a presque intégralement retrouvé son niveau précovid, boosté par les vols internationaux et les compagnies low cost.”
Source : France 2 - JT du mercredi 20 septembre 2024
Et pour ne rien arranger, l’Association du transport aérien international (IATA) prévoit qu’il dépassera largement les niveaux d’avant Covid au cours de l’année 2024.
Source : CITEPA Secten 2019 / Aurélien Bigo
Pour l’association, la priorité est de dissuader la minorité qui prend le plus souvent l’avion. Et pour cause : “les 20 % des Français les plus riches concentrent 41,5 % des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien des ménages français” et “40,4 % des vols sont réalisés par les 20 % les plus riches” !
Parmi les propositions phares du Réseau Action Climat, une mesure choc qui en quelques jours a déjà fait beaucoup de bruit (et a été rejetée en bloc par les compagnies aériennes) : la “taxe grands voyageurs”. Le principe ? Un taxe progressive qui augmente avec la distance parcourue et la fréquence des vols. Elle serait donc très faible pour le premier vol de l’année, et très forte pour le cinquième vol.
Source : France 2 - JT du mercredi 20 septembre 2024
Cette mesure, qui fonctionnerait donc à l’inverse des systèmes de fidélité type “miles”, permettrait selon l’association de baisser les émissions du secteur aérien de 13 %, tout en faisant peser l’essentiel de l’effort sur les passagers les plus réguliers.
Au total, le Réseau Action Climat propose dans son rapport 9 solutions pour réguler le secteur et limiter l’emballement climatique. Des plus simples (comme un relèvement de la “Taxe Chirac” sur les billets d’avion, avec un barème élevé pour les jets privés en location comme le proposait la Convention citoyenne pour le climat) aux plus radicales (comme l’interdiction de prendre l’avion plus d’un fois par an et par personne).
Source : © Réseau Action Climat - “Comment réduire le trafic aérien de manière juste et efficace ?”
Tu t’en doutes, on ne pouvait pas finir cet article sans parler de l’alternative bas carbone par excellence : le train.
On l’a vu, la réflexion sur la baisse du trafic aérien est indispensable. Mais selon nous, la bataille se mène sur tous les fronts, et notamment sur le terrain des imaginaires.
Rendre le train désirable par des récits positifs, c’est justement ce qui nous fait nous lever chaque matin chez HOURRAIL !. En proposant des itinéraires en train clé en main et en montrant qu’il est possible de rendre le voyage en train joyeux et accessible, même pour aller au bout du monde (en témoignent les expériences de Delphine et Arnaud jusqu’en Indonésie, ou encore de Victor et Léa jusqu’à Taïwan), on a bien l’intention de remettre le voyage sur les bons rails !
Et parce que la bataille passera aussi par le porte-monnaie, pour signer notre pétition sur la baisse des péages ferroviaires, c’est ici !
Pour aller plus loin, on te laisse découvrir le rapport complet du Réseau Action Climat, disponible ici.