Émettre un avis sur la feuille de route de la France pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ? Pour les bénévoles des Aventuriers d’HOURRAIL !*, l’occasion était trop belle. Alors, lorsqu’en novembre dernier le gouvernement a ouvert une concertation publique sur sa stratégie bas-carbone, les bénévoles de l’association ont décidé de se retrousser les manches pour réfléchir à des propositions à la hauteur des enjeux. De ces réflexions est né un argumentaire détaillé pour mettre le ferroviaire sur le devant de la scène. Bien que le bilan de la concertation (synthétisant les 360 participations déposées sur la plateforme) n’accorde finalement que très peu de place au ferroviaire, espérons que ces propositions alimenteront les travaux du gouvernement. En attendant la publication finale de la feuille de route , retour sur les propositions phares des Aventuriers d’HOURRAIL ! avec Amélie Pinard et Alban Manuel De Condinguy, bénévoles et membres du wagon lobbying de l’association.
*Eh oui, si tu le savais pas, le média HOURRAIL ! reverse une partie de son chiffre d’affaires à l’association Les Aventuriers d’HOURRAIL ! qui réunit des dizaines de passionnés souhaitant œuvrer bénévolement à la promotion du voyage bas carbone. L’un des groupes de travail - le “wagon plaidoyer” - a pour ambition d’accélérer le développement du ferroviaire en France et en Europe à travers le lobbying citoyen (notamment via des pétitions ou participations argumentées comme celle-ci !) Pour rejoindre la communauté de bénévoles, c’est ici !
Avant de te présenter le travail de l’association, un peu de contexte. Cette concertation publique sur l’énergie et le climat faisait suite à la publication, le 4 novembre 2024, d’une ébauche de la 3e Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et de la 3e Programmation pluriannuelle de l’Énergie (PPE). La SNBC traduit juridiquement l’engagement de la France en matière de décarbonation et présente les changements structurels prévus par la France à l’horizon 2030. Objectifs : réduire ses émissions de moitié par rapport à 1990 et atteindre la neutralité carbone dès 2050.
C’est dans ce contexte que les citoyens, collectivités et entreprises ont été invités à s’exprimer. Produire de l’énergie, se loger, se déplacer, se nourrir, consommer… Durant six semaines, le public a ainsi pu donner son avis sur ces différentes feuilles de route via la plateforme en ligne de la concertation.
Les nombreuses contributions (plus de 7000 propositions soumises par le public, et plus de 360 cahiers d'acteurs publiés, dont celui de l’association d’HOURRAIL !) ont ensuite été synthétisées dans un bilan transmis au gouvernement. Ce dernier est désormais tenu de répondre dans un délai de deux mois pour détailler comment ces contributions seront prises en compte dans les dernières itérations de la SNBC et de la PPE (publication au premier trimestre 2025).
“L’idée était d’évoquer des sujets très concrets pour les citoyens, ce qui manque un peu dans les propositions initiales du gouvernement.” - Amélie, bénévole des Aventuriers d’HOURRAIL !
La participation des Aventuriers d’HOURRAIL !, qui prend la forme d’un “cahier d’acteur” de 4 pages (à télécharger en intégralité ici) répond, tu t’en doutes, à la problématique de la mobilité. “Aux côtés des lobbyistes traditionnels, nous souhaitions aussi faire entendre notre voix et notre vision lors de cette concertation”, explique Alban, membre du wagon lobbying de l’association.
“Les propositions de la SNBC et du PPE concernant les transports sont assez nombreuses mais avec des ambitions inégales ou un certain manque de réalisme parfois. Le cahier d’acteur a été élaboré en tentant de critiquer ces propositions.” - Amélie
Les propositions élaborées se déclinent en trois parties : une première sur le report modal depuis le transport routier, une deuxième sur le report modal depuis le transport aérien, et une dernière sur la nécessité d’une réelle politique ferroviaire portée par l’Etat.
En première position des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports domestiques en France : le secteur routier, et plus particulièrement les voitures particulières (69 Mt CO2e en 2022). Pourtant, la voiture représente en France 72 % des déplacements longue distance (contre 14% seulement pour le train, sur des trajets de plus de 80 km) ! Alors comment encourager à prendre davantage le train ?
Même si le coût du trajet en voiture est plus élevé si l’on ne considère qu’un seul passager (0.19€/km en moyenne pour le train selon UFC Que choisir, contre 0.33€/km pour la voiture d’après l’ADETEC, 2023), il devient beaucoup plus intéressant qu’en train quand le nombre de voyageurs augmente. Pour répondre à cette problématique du coût, l’association propose plusieurs solutions.
Parmi elles, la baisse des prix des péages ferroviaires. En effet, les prix des péages ferroviaires français sont parmi les plus élevés en Europe et peuvent représenter jusqu’à 40% du prix du billet pour les usagers (d’ailleurs, n’hésite pas à signer notre pétition à ce sujet !). L’association propose également une incitation financière à se rendre dans des sites français ou européens accessibles en train, via des réductions touristiques sur présentation d’un billet de train.
Quoi qu’il en soit, comme l’évoque le chercheur Aurélien Bigo, une politique cohérente de report modal repose à la fois sur la baisse de l’usage des mobilités les plus polluantes et sur des investissements dans les mobilités douces.
Même si de nombreuses gares sont situées en centre-ville, les offres de transport en commun pourraient être étoffées, et des solutions d’autopartage pourraient être développées à proximité des gares (principe de l’intermodalité, qui consiste à utiliser plusieurs modes au sein d’un même trajet).
Dans l’ébauche de SNBC proposée par l’État, la sobriété n'apparaît que très minoritaire. Pourtant, d’après le Réseau Action Climat, la question n’est plus “faut-il réduire le trafic aérien” mais “comment le réduire” de manière efficace et socialement juste. Et pour cause, le secteur aérien représente 7 % des émissions de CO2 en France et génère, avec le trafic aérien international, une augmentation des émissions qui n’a pas cessé d’augmenter depuis la crise du Covid-19 ! Et quand on sait que ces trajets en avion concernent principalement une population aisée (plus d’infos ici), et que plus de 40 % ont pour destination l’Europe, il paraît raisonnable de les remplacer par d’autres modes de transport comme le train.
Le cahier d’acteur reprend également des propositions du Réseau Action Climat comme l’encadrement de la publicité pour les compagnies aériennes et les agences de voyages ou la mise en place d’une taxe “grands voyageurs”, et suggère de revenir sur la proposition initiale de la Convention Citoyenne pour le Climat : la suppression des vols pour lesquels il existe une alternative ferroviaire directe de moins de 4h30 (ce qui concernerait 36 liaisons aériennes domestiques et 11 liaisons internationales au départ de Paris). Une mesure qui a déjà fait ses preuves, puisque la législation actuelle (suppression des vols pour lesquels il existe une alternative ferroviaire directe de moins de 2h30) aurait à elle seule permis de baisser les émissions du trafic aérien domestique de 3,4 % entre 2022 et 2023 (CITEPA, 2024) !
“Il n’y aura pas de transition écologique sans transformation et investissement dans le secteur ferroviaire.” - Alban
Pour y parvenir, l’association souligne la nécessité de transformer les imaginaires dominants du voyage, aujourd’hui encore largement influencés par les compagnies aériennes low-cost et leurs voyages au bout du monde.
De même, le développement du réseau ferroviaire européen et la gestion des correspondances entre les différentes compagnies ferroviaires semblent être des leviers essentiels pour concurrencer l’avion.
Le développement des trains de nuit permettrait également de mieux répartir le réseau européen, en permettant d'utiliser des lignes durant des heures où elles le sont très peu aujourd’hui. “À ce titre, la commande des 300 nouvelles voitures de nuit promises par Clément Beaune en décembre 2021 est attendue avec beaucoup d’enthousiasme”, peut-on lire dans le cahier d’acteur.
Enfin, le plan d’investissement de 100 milliards d’euros annoncé l’an dernier permettrait d’allouer une enveloppe pour renforcer l’accessibilité au transport ferroviaire. Cette enveloppe pourrait, par exemple, renforcer l’attractivité du congé annuel à petit prix, “en offrant à tous les Français un aller-retour de 30€ une fois par an (Réseau Action Climat, 2024)”. Quant au Pass Rail, il mériterait que les efforts d’accessibilité soient maintenus puisqu’il a déjà permis 1,9 million de voyages durant la première expérimentation.
Pour découvrir la synthèse de la concertation publique, c’est ici. Rendez-vous dans quelques semaines pour découvrir le retour du gouvernement… Et pour suivre les actus des bénévoles des Aventuriers d’HOURRAIL !, tu peux t’abonner aux comptes (tout neufs) Linkedin et Instagram de l’association.