Nolwen Berthier, 29 ans, ancienne grimpeuse de l'Équipe de France et ingénieure en environnement, fait partie de cette nouvelle génération de sportifs de haut niveau qui s’engagent. Passionnée de nature, elle bascule de la compétition en salle à la pratique en extérieur au moment de la Covid 19 et devient par la suite la 6ème femme au monde à réaliser SuperCrakinette, une ligne de niveau 9a+. Grande adepte des transports bas carbone, elle nous dévoile un de ses derniers projets, Le Climbing Orient-Express, une aventure bas-carbone pour réinventer la performance et le voyage sportif. Elle nous livre aussi son regard sur le monde du sport de haut niveau et en particulier de l’escalade.
Après 10 années en compétition et un parcours au sein de l'Équipe de France d’escalade, j’ai débuté un poste en RSE dans une entreprise pour mettre en place sa stratégie. Cela m’a ouvert les yeux sur l’ampleur des crises environnementales ! Je suis ensuite descendue dans le sud de la France où je passais beaucoup de temps dehors dans les falaises, ce qui a accentué ma prise de conscience. Aujourd’hui, j’en suis persuadée, le changement passera par tous : citoyens, dirigeants, sportifs, ... Je m’investis donc pour la transformation des entreprises dans mon métier et je veux aussi en faire profiter le monde de l'escalade.
Crédit photos : Nolwen Berthier
Tout est parti de l’envie d’explorer les falaises près d’Antalya, en Turquie. J’étais alors en plein dilemme interne : je voulais aller en Turquie, mais je ne voulais pas prendre l’avion. Petit à petit m’est venue l’idée de l’Orient Express, ce train mythique qui allait autrefois de Paris à Istanbul. Ce train n’existe plus, mais il est possible de prendre plusieurs trains pour suivre son trajet. Nous sommes donc allés de Aix-en-Provence jusqu’à Konya en train et ensuite en bus jusqu’aux falaises d’Antalya. Ce que j’ai retiré de cette aventure ? C’est que c’est possible ! Il y a des alternatives à l’avion ! Cela m’a aussi donné une conviction forte : le renoncement écologique peut être formidable, comme vivre cette aventure en train de 3 semaines avec mes amis.
Avis aux amoureux de voyages, d’escalade et de sport outdoor : la vidéo de l’aventure “Climbing Orient Express” est en ligne sur YouTube.
La principale conséquence qu’on voit, c’est la saisonnalité de pratique. En escalade, on est à la recherche de conditions météorologiques parfaites avec de l’humidité et une température favorable pour la friction des doigts sur le caillou : froid, mais pas trop, chaud, mais pas trop, face sud en hiver et face nord en été. Avec le dérèglement climatique, on modifie les falaises qu’on pratique en fonction des mois. De plus, il y a de moins en moins d’intersaisons. Côté environnement, on observe aussi l’assèchement des rivières et la multiplication des algues, ainsi que l’érosion des sols.
Comme le dit si bien Jacques-Yves Cousteau “On aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l’on aime.” Pour moi, être au contact de la nature, mieux la sentir, ça peut nous aider à mieux la protéger. Malgré cela, notre présence reste une nuisance : érosion des sols, impact carbone des déplacements, déchets laissés sur place, c’est en effet paradoxal ! Mais on peut mettre en place des bonnes pratiques au quotidien. Ce qui impacte le plus, c’est la surfréquentation. Il serait pour moi bénéfique que l’on s’autorégule, pour ne pas se retrouver tous au même endroit au même moment, mais ce n’est pas encore très répandu dans notre communauté. Par ailleurs, la pratique de l’escalade en milieu artificiel, dans des bâtiments chauffés et climatisés, n'est pas mieux. Il n’existe en réalité pas de bonne solution, surtout quand la pratique reste du loisir, et donc non essentielle.
On sent une prise de conscience générale, tout comme dans notre société, mais de là à basculer vers un passage à l’action généralisé, on en est encore loin. Le sport de haut niveau est très axé performance : il faut se déplacer vite, souvent pour optimiser l'entraînement et la récupération… Ça rime systématiquement avec avion pour les sports en compétition. Même si les sportifs avaient envie de faire différemment, il y a un écosystème d’acteurs et ce besoin de performance qui impliquent certains choix. Mais certains sportifs de haut niveau font des choix radicaux ! Ils ont une vision différente et explorent d’autres manières de faire, quitte à renoncer aux compétitions. C’est chouette de voir des acteurs médiatisés qui utilisent leur influence pour la bonne cause ! C’est nécessaire et urgent, toutes les personnes qui peuvent jouer un rôle doivent le faire, le compte à rebours est lancé.
Le El Capp Fest est le premier festival Escalade et Transitions qui s’est tenu fin septembre à la Rochelle. En tant que co-fondatrice de l’événement, notre ambition était de rassembler les communautés de l’escalade et de la transition écologique et sociale pour donner aux gens l’envie d’agir et des outils pour le faire. Articulé autour d’une compétition d'escalade en accord avec les enjeux sociaux et environnementaux actuels, ce festival a accueilli aussi des conférences et tables rondes avec des personnalités inspirantes de divers univers telles que Cynthia Fleury, Fatima Ouassak, Emery Jacquillat, Paloma Moritz, Cyril Dion ou encore Stan Thuret, pour montrer comment l’économie pourrait être au service du bien commun. Des projections de films plongeaient les spectateurs dans des récits sportifs inspirants, un village des initiatives permettait de rencontrer des associations engagées telles que Surfrider Foundation, la LPO ou le Low-tech Lab…
Crédit photo : Charlotte Brasseau
L’EcoPoint Challenge, c’est un défi mobilité proposé à tous les festivaliers qui a vocation à réduire l’impact carbone de l’événement et rendre la transition environnementale fun et désirable. Un jury était en charge d’évaluer la démarche sur des critères tels que l’impact carbone bien sûr, mais aussi l’originalité, l’éthique et la contribution sociétale du voyage pour récompenser la démarche la plus inspirante !
Crédit photo : Alice Gerardin
Oui, à 1h en train de Paris, il y a Fontainebleau pour faire du bloc. Dans le sud de la France, vous pouvez aller dans les Calanques de Marseille ou vous rendre dans le Briançonnais, il y a beaucoup de spots ! L’astuce, c’est de combiner train et vélo pour se rendre sur les sites.
La créativité est la clef pour être acteur du changement. N’hésitons pas à trouver nos propres solutions si celles que l’on voit couramment ne s’adaptent pas à nos contraintes. Je ne voulais pas prendre l’avion pour aller en Turquie et je ne me sentais pas non plus d’opter pour le vélo, alors j’ai cherché des solutions pour y aller en train.